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Brève 63 : Mylad,3 ans, ne parle pas, ne peut pas quitter sa mère.

J’apercevais cette petite fille, à la sortie de l’école, collée dans les bras de sa maman, pas curieuse de regarder ce qui se passait autour d’elle, le visage peu expressif. Le papa me demande de m’occuper de Mylad qui ne parle pas. (J’ai suivi son frère ainé.)

Anamnèse : La naissance n’a pas posé de souci. C’est une enfant qui a été sujette aux cauchemars. Elle est propre depuis peu.  Elle a été gardée depuis toujours par la maman qui est assistante maternelle. Cette maman est une femme très réservée, qui parle peu. Comme j’avais suivi le frère aîné en rééducation, je n’ai pas repassé l’anamnèse sur les langues. Les parents parlent arabe à la maison. Je fais l’hypothèse au préalable – mais à vérifier – que l’absence de langage ne provient pas d’un bilinguisme.

Lors de la première rencontre, Mylad ne quitte pas les bras de sa maman. Pas de bilan classique possible, mais une observation clinique :

  1. Jeu de « donner. » Je lui donne un animal et je lui demande de m’en redonner un. Elle comprend le nom des animaux, mais se trompe pour me les donner.

  2. Jeu de balle : je lui envoie une balle, elle la renvoie silencieusement.

  3. Je lui demande de réaliser des tours gigognes : Lors de la chute des  tours, j’entends dans la bouche de Mylad, des  sons incompréhensibles.   

Diagnostic : Mylad n’a pas de langage mais c’est une enfant qui est dans la communication.

 Je me rends compte de suite que Mylad a besoin de la présence de sa mère dans le bureau. Cette dernière ne souhaite pas intervenir dans les jeux. Elle reste sur sa chaise, près du radiateur, à pianoter sur son portable.

C’est à travers des jeux de tour de rôle et d’échange que le langage est apparu. Moi me situant comme autre, qui ne comprenait pas toujours les propos de Mylad. Je disais tout simplement : « je ne comprends pas. » Vingt-deux séances ont été réalisées dont quatorze séances où l’enfant a exigé que sa mère reste dans le bureau. Le travail s’est fait par terre sur le parquet, Mylad ne voulant pas s’asseoir au bureau. Des jeux furent effectués : prendre pour soi chacune à son tour un élément de nourriture en plastique, mettre dans une boite chacune à son tour, demander à l’autre un élément de nourriture qu’elle a. Ces jeux ont mis en place le tour de rôle qui n’était pas acquis au départ par Mylad. Assise sur le parquet, elle voulait se coucher et tourner sur elle-même. Je lui demandais gentiment mais fermement de rester en face de moi.

Evolution au cours des séances de jeux,

Mylad observe que les aliments en plastiques sont en double et dit « deux ». La question : « c’est quoi ça ?» apparaît aussi. La verbalisation du lieu : « elle est ici, elle est là ». Elle introduit les couleurs : « jaune » Puis la possession : « c’est à moi ». J’introduis alors des adjectifs possessifs « c’est mon poulet ». Enfin dans le jeu « de mettre dans la boîte de rangement » : apparition de phrases : « je mets le coca ». Le langage apparaît…

Dans un deuxième temps, le travail se réalise au bureau avec des sériations d’histoires animaux où il faut tourner les pages pour trouver les quatre cartes qui racontent la même histoire. Elle s’applique et n’échoue pas malgré les histoires qui se ressemblent.  

Au bout de quatre mois, la maitresse parle de gros progrès.

 Mylad a imposé la présence de sa maman comme un préalable, et donc je l’ai acceptée. La présence de la maman ne me gênait pas. Respecter le temps nécessaire pour Mylad de la présence de sa mère était primordial. Seul l’enfant savait le temps dont elle avait besoin. Si le temps m’a paru long, quatorze séances, c’est l’enfant seul qui dicte ce dont il a besoin pour pouvoir se dégager de la fusion avec sa mère, et par le même coup rentrer dans le langage. Un jour, à la quatorzième séance, la maman a dû partir téléphoner de façon urgente. Elle l’a signifié à Mylad qui lui a dit quelque chose qui signifiait : « d’accord, tu reviens, après », ce que la maman a fait.

L’orthophoniste initie Mylad au tour de rôle, à des jeux d’échange, mais elle crée aussi un espace inconnu, où Mylad va s’inscrire…A travers les jeux, (un peu toujours les mêmes) qu’elle propose, elle est disponible pour Mylad, attendant sans rien précipiter le moment où la séparation avec la maman va être possible, notant tous les mots qui commencent à apparaître. C’est cette disponibilité neutre, cette position d’objet que prend l’orthophoniste qui va permettre à Mylad d’accepter l’absence temporaire de sa mère un jour et en même temps de s’inscrire dans le langage…

5 commentaires sur “Brève 63 : Mylad,3 ans, ne parle pas, ne peut pas quitter sa mère.”

  1. Emmanuelle KOESSLER BESSON

    quel beau métier que le nôtre, comme un accouchement cette expérience, qui ressemble aux miennes, avec des enfant sans parole:):)

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