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Brève 47.  Suivre pas à pas le « sujet » lors d’une rééducation linguale 

Ce temps de travail lingual consiste bien sûr en une proposition d’exercices de gymnastique de la langue.

Toutefois, mon attitude est très spécifique.

 Les exercices linguaux sont donnés au patient. Mais l’important pour moi est de voir ce qu’il va en faire. Se rendre disponible dans sa tête, écouter, regarder la façon dont il s’approprie les exercices proposés, comment il les fait siens ou pas.

Excepté d’éventuels conseils rassurants parfois nécessaires,[1]  ma position est une attitude d’intérêt pour « le sujet en mouvement » qui fait ses exercices devant moi. Une écoute double sur la façon dont le patient s’approprie ses exercices, et la façon dont il remarque ou non les changements qui se produisent sur sa langue.

En début de chaque séance je demande comment se sont passés les exercices, les difficultés rencontrées, les remarques qu’il s’est faîtes, ce qu’il a observé lui personnellement. Je suis toute « ouïe » à ce qu’il dit, je note les mots, les expressions qu’il emploie, afin d’être au plus près de sa façon d’aborder ces exercices linguaux, toujours sans jugement ou conseils.

Puis, lors des exercices faits en séances, nous échangeons sur ce que nous voyons, moi en le regardant, lui en se regardant dans le miroir. La langue présente des soubresauts, signe de fibres musculaires qui se mobilisent ?  La langue a-t-elle changée de forme ? L’apex s’est-elle formée ? La langue arrive – t-elle â être quelques dixièmes de seconde plate ? La langue at-elle gagné en autonomie par rapport aux lèvres ?

Il peut arriver que de nouveaux exercices ou un petit enchainement soit inventé. Je propose alors au patient de trouver un nom à ce nouvel exercice.

Cette attitude n’empêche pas de garder l’objectif qui est une amélioration très rigoureuse de la musculation linguale.[2] L’adéquation de la musculation de la langue est d’ailleurs vérifiée [3] régulièrement.

Mais cette forme de présence, sans jugement, disponible, en regardant de façon   ininterrompue, le sujet en train de faire ses exercices, à l’affût de tout changement, donne une importance à ce dernier. Il est « le centre » de la séance. Ce qu’il dit ou fait lui est singulier. Il est considéré comme « un sujet ».


[1] Si je ne vois pas d’évolution rapide, de la musculation de la langue, c’est-à-dire au bout de 4 séances, pour rassurer le patient, je lui dis que chacun va à son rythme et n’a pas les mêmes capacités, qu’il n’a rien d’inquiétant à cela. Suivis de 350 rééducations avec un seul échec.

[2] 350 patients rééduqués, un échec.

[3]Je vérifie sa puissance musculaire, en plaçant un petit élastique d’orthodontie au bout d’un fil. Les légères pressions effectuées sur le fil ne doivent pas faire bouger l’élastique posé entre langue et palais, juste derrière les dents.


2 commentaires sur “Brève 47.  Suivre pas à pas le « sujet » lors d’une rééducation linguale ”

  1. Anne-Marie Fernez Remacle

    Cette approche dans le souci de faire en sorte que le patient soit auteur de son évolution et se l’approprie, appuyée cependant sur une technicité « pointue », me semble très intéressante. Une question que je souhaite partager avec vous: il s’agit là d’une « trouble »(je fais la différence entre « trouble » et « symptôme ») qui concerne la langue comme organe. Cela s’inscrit donc pour le « sujet » (que je définis provisoirement comme l’individu pris en compte dans son histoire et sa singularité) dans tout ce qui précède l’accès à la parole (à la langue maternelle):soit, pour faire vite, tout ce qui est engagé anatomiquement et physiologiquement dans la pulsion orale. La parole (la langue parlée et écrite) dans votre approche à une place centrale mais elle n’est pas l’objet directe de l’intervention. Il me semble que cela change,(peut-être radicalement?) la question de la place de la technicité dans notre pratique. Quand il s’agit d' »agir sur »( synonyme pour moi de technicité) l’usage que le sujet fait de la langue, la manière dont il l’habite, sa capacité à consentir à n’y être que représenté…donc quand le ‘trouble » porte sur l’articulation des mots, la parole, le lexique, la grammaire etc…. est-ce que cela change quelque chose pour vous dans votre pratique, est-ce que vous considérez qu’il y a possiblement d’autres enjeux?

    1. J’essaie de répondre à votre question.
      S’agit-il d’un trouble ou d’un symptôme, cette langue basse empêchant de monter la langue derrière les incisives supérieures. Pourquoi cette migration ne s’est pas faîte ? On peut répondre techniquement. Quelque chose l’en a empêchée et j’explique toujours cela pendant le bilan. Le pouce gardé longtemps ou la sucette gardée longtemps sont très souvent mais pas toujours à l’origine de cette langue basse. On touche bien comme vous le dîtes à la sphère de la pulsion orale. Aussi le travail technique s’inscrit sur quelque chose qui a son origine là, dans la phase orale. La dimension d’un symptôme est présente même si personne (ni la famille, ni l’enfant ne le voit) Et là-dessus je resterai aussi silencieuse sur mon point de vue personnel où je pense bien sûr qu’il y a un lien avec tout ce qui tourne autour du vécu que l’enfant a eu sur ce stade oral. Toute la question va être : Le patient peut- il à la date où je le vois, travailler sur ce trouble?
      Vu son origine, la prudence, le pas à pas s’impose, Car cette langue basse n’a rien d’anodin. De ce côté-là elle se rapproche d’un sigmatisme ou d’un schlintement. Le travail proposé et les réactions de l’enfant sont à analyser comme pour un autre trouble.
      Mais la différence est effectivement qu’il s’agit d’un travail corporel. Le point commun avec le langage c’est sa possibilité d’être symptôme. Le point différent est effectivement que le langage sera support du « dire » et non travail sur le langage.

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