Aller au contenu

Brève 39

« Je suis DYS …» Quand le diagnostic enferme…

« Je suis DYS…» A travers cette affirmation et le ton assuré employé, Marine, 14 ans, se définit face à moi. Elle s’est appropriée cette définition. Cette « qualité » fait partie d’elle, comme « je suis grande », ou « j’ai les cheveux roux ». Peut – elle en bouger ?

« Je suis DYS » est un discours répété à chaque fois qu’elle se présente. Un discours qu’elle s’est construite « de bric et de broc », où elle répète ce qu’elle a entendu dire sur elle, par des professeurs, lors de compte-rendu de tests à un bilan ; et qu’elle a repris à son compte. Ce n’est pas vraiment elle qui exprime ses difficultés mais les autres à travers elle.

Les quelques questions que je pose sur comment elle vit ses difficultés l’agacent.

Inutile d’insister, cinq photocopies de bilans d’orthophonie, étant déjà déposées sur mon bureau, je rentre alors tout de suite dans un travail concret comme la compréhension d’un paragraphe ou d’une consigne. A partir de là je vais finement observer quelles sont ses réactions, ses propos émis, lui poser des questions concrètes sur l’exercice lui-même.

Ex : de consigne : « s’il y a deux cercles sur le dessin, rajoute un triangle en bas à droite »

Ce type d’exercice est un élément facilitateur pour que Marine exprime l’acte qu’elle va poser, la position qu’elle va prendre. J’observe si elle est capable de réflexivité, de déduction, la présence ou non d’une inhibition, la rapidité ou » le blocage » qui apparaît, la rapidité d’action, du graphisme, les commentaires que fait Marine sur cet exercice….

Les exercices d’implicite sont aussi intéressants pour voir si ce niveau de langage est possible….

Ex : Jeanne a été voir les résultats ; sors le champagne !

Face à une pareille phrase, faire le secrétaire en notant tout ce que Marine dit, sans ne rien induire. Puis, avec elle, éliminer ce qui ne correspond pas à cette phrase, et garder ce qui correspond réellement.

Le travail tel que je le conçois est – en se mettant exactement au niveau des capacités du patient, dans ce cas, Marine, d’interroger le sujet pour qu’il se mobilise sur les erreurs ou ses lacunes si anciennes soient elles, et qu’au-delà de cette expression « je suis DYS « il arrive à mobiliser quelque chose au fond de lui-même qui le mette en mouvement, qui le fasse progresser, au-delà de cette étiquette

5 commentaires sur “Brève 39”

  1. Que j’aime vous lire, c’est plus qu’encourageant en ces temps de chiffrage et de découpage en symptômes de la personne! Votre brève me rappelle une patiente que j’ai accompagnée quand je travaillais au CMP. Le jour de son entrée en 6°, elle a pris une feuille qu’elle a pliée en chevalet et elle y a inscrit « JE SUIS DYSLEXIQUE » et elle n’a plus rien fait…

  2. Merci , pour cette présentation à la rencontre du sujet au delà du symptôme . Il me semble que nous devrions reprendre , revenir sur la différence entre avoir et être .

  3. Les troubles « DYS » de même que n’importe quel autre trouble, pathologie, ou handicap ne définissent pourtant, à eux seuls, une personne. On dit plutôt d’ailleurs à présent d’une personne handicapée ou malade qu’elle est « porteuse » de ce handicap ou de cette pathologie. Il n’en reste pas moins que pour l’enfant, il est parfois plus aisé et confortable de se définir ainsi, de dire : « je suis …  » surtout si c’est ce vocabulaire qui a été employé par les adultes de référence.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *