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Brève 38

Un jeu pour créer l’échange avec un enfant : « le coucou caché » : en quoi consiste- t-il ?

Que ce soit Piaget ou Freud, tous deux ont mis en évidence l’extrême importance de ce jeu et son rôle dans la construction de l’équilibre psychique de l’enfant.

Est-il trop tard pour jouer avec des enfants de plus de 18 mois, à ce jeu ? Pas sûr.

J’utilise plusieurs variantes de ce jeu en orthophonie

  • Pour un enfant dans les bras ou sur les genoux de ses parents je cache mon visage avec mes mains, puis les fait réapparaître : « Coucou ! A la voilà ! ». Je regarde si ce jeu entraine de l’intérêt chez l’enfant (attention, sourire, regard, allant jusqu’à des éclats de rire ..). Cela me permet de voir si l’échange est possible à cet instant T.
  • Avec un enfant plus grand, je vais lui proposer de se cacher dans le bureau. Lieux de cachettes possibles : sous le meuble – bureau, dans un placard, derrière un fauteuil, derrière les rideaux d’une fenêtre, sous un tapis…Quand je vois que l’enfant a compris le jeu, je compte 1..2.. en lui tournant le dos, mon visage face à un mur du bureau. Après avoir compté jusqu’à 20, je le cherche en verbalisant les lieux de recherche : « Ah, il est peut-être sous le bureau ? Non, il n’est pas sous le bureau, peut être derrière le rideau de la première fenêtre ? …Quand je le trouve je manifeste de l’excitation « Ah le voilà ! » et j’observe aussi sa réaction à lui. Est-il excité ? rigole- t-il ? Demande-t-il à recommencer ?
  • Autre variante, je propose à l’enfant de se coucher par terre, et je le recouvre d’un foulard très léger. Je le cherche de la même façon dans la pièce et manifeste de la surprise joyeuse quand je soulève le tissu … « Ah ! Le voilà ! »

           Il n’est jamais trop tard pour jouer au

« coucou-caché » et à ses variantes.

          Néanmoins, l’absence répétitive de réactions de l’enfant après plusieurs      séances à ce jeu interroge l’orthophoniste et peut l’inciter à proposer aux parents une orientation thérapeutique vers  CAMP, CMP, CMPP ou CRA.

5 commentaires sur “Brève 38”

  1. Yes !
    « coucou » …. « caché », une paire de mots, et entre les deux, dans ce laps de temps, cet espace symbolique, rien moins que l’apparition d’un sujet! Référence faite à Freud observant son petit-fils jouant avec une bobine en s’exclamant For!-Da!
    C’est un jeu d’une simplicité enfantine mais si fondamentale qu’effectivement son inaccessibilité m’interroge toujours sur la structure (névrose/psychose). Je me rappelle de ce petit qui hurlait à chaque fois que sa nounou sortait de la pièce, horrifié par cette disparition qu’il ne pouvait sans doute attraper dans les filets d’un symbolique qui ne semblait pas encore l’avoir affecté. L’absence était réelle pour lui, sans espoir.
    Et pour apporter une réflexion supplémentaire, cela m’a rappelé cette élève de CP qui a pu rentrer dans la lecture peu après avoir fait un jeu en séance dans lequel elle faisait disparaitre du tableau (en les faisant tomber) les lettres magnétiques avec lesquelles elle jouait depuis plusieurs semaines. Cette disparition, je pense, est nécessaire à la lecture, comme m’en donne l’impression les enfants que je reçois pour dyslexie. Eux pour qui la trop grande prégnance de la lettre semble faire barrage : les signes bouchent l’horizon de la représentation.

    1. Tout à fait d’accord sur tout ce que vous écrivez. Votre dernière phrase sur la dyslexie m’interroge beaucoup, car je la trouve très juste. il serait alors judicieux de voir comment mettre en place un travail quand les signes gênent le symbolique ..;

  2. Frédéric Escoffier

    La question que l’on peut se poser c’est de pouvoir favoriser ce passage du signe au signifiant par des exercices, des jeux. Je dirais oui et non. Non, s’il n’y a pas de soutien par une relation transférentielle, ce qui implique une part de notre travail avec, comme vous l’avez si bien nommé, l’éthique analytique : se faire objet afin de laisser Espace et Temps au sujet pour advenir. Alors seulement on pourra espérer qu’il puisse s’emparer des jeux qui lui montreront qu’il y a un gain au-delà de la perte que c’est de devenir sujet.
    Les patients que nous recevons ont de mon point de vue déjà émergé en tant que sujet parlant (à moins d’être autistes). L’expérience nous montre que des enfants arrivant sans langage réussissent à y entrer, mais leur façon de parler reste longtemps imprégnée d’une univocité qui le rend parfois rigide voire étrange.
    A contrario de ce qu’énonce Lacan dans « subversion du sujet et dialectique du désir » où l’on trouve cette indication: « C’est la métaphore en tant que s’y constitue l’attribution première, celle qui promulgue «le chien faire miaou, le chat faire oua–oua», par quoi l’enfant d’un seul coup, en déconnectant la chose de son cri, élève le signe à la fonction du signifiant, et la réalité à la sophistique de la signification, et, par le mépris de la vraisemblance, ouvre la diversité des objectivations à vérifier, de la même chose. »
    Je m’appuie sur cette hypothèse : ne plus être obnubilé par le signe c’est en faire un signifiant : par cette opération le signe est barré, s’efface. La promulgation du signifiant nécessite un sujet. Tandis que le signe est d’un individu – pour un autre, le signifiant lui représente le sujet qui ordonne, choisi, veut dire mais aussi ignore.
    La question est de savoir si dans ce passage du signe au signifiant quelque chose peut se provoquer ou si c’est le résultat d’une assomption du sujet dans le symbolique. J’aurai tendance à penser que notre façon de travailler doit à la fois permettre au sujet de (ré)émerger et lui proposer des expériences qui permettent de s’approprier un jeu avec le signifiant (tel que celui-ci le permet : métaphore et métonymie, détermination de la représentation et du sens par les manipulations signifiantes).
    Cela permet en sus un repérage lorsque l’on reçoit nos patients : y-a-t-il de la métaphore, du jeu possible avec la grammaire et les mots ? Force est de constater que chez les enfants dyslexiques il y a bien souvent un appareillage au langage inhabituel et que le goût pour le jeu de mot est peu prononcé en général. Il y a cette tendance à l’univocité, au mot qui représente une seule chose et rien d’autre, (phénomène de l’holophrase, « dégradation » en quelque sorte du signifiant vers le signe, que l’on retrouve dans la structure psychotique ou dans la débilité au sens psychanalytique). Avoir une idée des structures pour adapter notre attitude me parait tellement important, j’ai apprécié que vous en parliez dans votre ouvrage.
    Pourrait-on parler de stagnation dans le processus de subjectivation ? Il y a à élaborer là-dessus.
    En attendant, partant de la question du passage du signe au signifiant, j’ai cherché des activités permettant d’accéder à un certain plaisir de jeu avec les mots, les syllabes. Il n’y a qu’à piocher justement dans les jeux que nous faisions enfants, tout le monde les connait : rébus, jeux de mots simples (je fais … bli, on peut s’amuser à étirer la liste), cadavres exquis et tout aussi bien le principe des associations d’idées, écrire ou dire avec des rimes, jouer avec les consonnances, les contrepèteries, la polysémie. Tout ce qui remet l’oreille sur ce nouage entre le son et le sens, peut aider à aller jusqu’à sentir comment le signifiant avec ces jeux de substitutions détermine le sens et lui est indépendant.
    Je propose également ces jeux avec des supports écrits, comme une aide (au lieu d’une tâche à accomplir) pour visualiser ce qu’il se passe avec les sons.
    Je pense qu’instinctivement beaucoup de collègues utilisent ces jeux. L’intérêt réside aussi dans l’aspect créatif qui convie le sujet à sortir de sa scolaire coquille : il n’y a pas qu’une réponse à trouver. Il y a des visages qui s’éclairent tout à coup … j’ai compris ! ouah je suis vraiment trop fort(e) !
    Encore une fois les jeux à eux seuls ne suffisent pas, comme vous le faites remarquer il est nécessaire que l’orthophoniste travaille de façon lucide et en appui sur le transfert, et pour cela l’analyse de la pratique est un minimum requis. Chaque sujet est particulier, il est raisonnable de laisser la place à la pure différence en orthophonie.
    En tous cas j’ai constaté dans cette pratique ludique titillant l’articulation signifiant/signifié qu’il en résultait un certain « assouplissement ». C’est vague, mais ce mot est à entendre en opposition à une « rigidité » langagière, de l’univoque, de la fixation à « l’utilitaire » : ce fameux « ça sert à rien » qui déjuge les apprentissages, la culture.
    En me re-lisant je constate que basiquement je situe ce passage du signe au signifiant comme préalable à la lecture. Il y aura aussi à élaborer quelque chose de plus serré là-dessus.
    Inutile de préciser qu’il y a une adaptation en fonction d’où part chaque sujet et des limites de son âge.
    Le contexte est à considérer également : la position subjective varie selon le contexte. Nous le constatons dans nos cabinets tous les jours. Par exemple quand lors de la passation du bilan de renouvellement nous ne reconnaissons plus l’enfant qui s’était épanoui en séance. Contexte personnel ou tout simplement du passage de l’épreuve. Ce qui fait que l’abord clinique lors de la passation d’un bilan est fondamental.
    En y réfléchissant je vois d’autre volets qui sont à travailler pour aider nos patients à se départir de la prégnance du signe.
    Le plus important me semble être celui de la représentation. C’est la poule et l’œuf. Est-ce que le signe doit s’effacer pour que surgisse la représentation, ou est-ce qu’elle gomme en quelques sorte (par négligence utile) les lettres imprimées sur la page ? (Référence à cet ouvrage d’Anne-Marie Picard, « Lire-délire ; psychanalyse de la lecture »).
    Je me rappelle ce dessin d’une patiente que j’ai eu en CM2 et 6éme. Elle se représentait avec une grande tante (qui s’avéra être pour elle une instance particulière, un grand Autre, celle qui lui chantait des chansons dans sa langue maternelle, le portugais et qui était poète), unies sous un arc-en ciel protecteur, la séparant d’un ciel empli d’oiseaux dont la disposition faisait penser à une écriture. Dans ce dessin se condensait toute une problématique. Un conflit entre langue maternelle / langue française, langue de l’école, langue à apprendre. Un instituteur lui ayant dit un jour qu’elle devait oublier le portugais pour écrire en français, elle s’était paralysée dans ses apprentissages (inhibition). Il est vrai que l’apprentissage de la lecture nécessite un passage (pour ne pas dire une « passe ») de la langue maternelle vers la langue commune. C’est le sacrifice que nécessite la « civilisation » dirait Freud. Il y a un gain à cette perte et on peut le repérer dans certains cas lorsqu’un petit patient devient à son tour poète : jouant avec les sonorités pour qu’autre chose se dise, s’écrive. Ce qui est bon signe !

    1. Très intéressant tout ce que vous dites .
      Bien sûr; la « pratique  » de tous les jeux que vous décrivez et que j’utilisais aussi ne peut porter ses fruits qu’avec la mise en place d’un transfert..;
      Effectivement les dyslexiques sont peu portés sur ces jeux. Nous leur proposons, ils accrochent, ils s’ouvrent. Mais au delà .
      Une partie de ces jeux avec le langage ne se construisent-ils pas avant l’entrée dans le langage écrit?
      J’ai souvenir d’un enfant de 5 ans de mon entourage qui, face à une cocotte minute disait : « Mais où est la cocotte? « demandant à l’adulte présent de voir à l’intérieur de cette grosse casserole….Vaste question

  3. Frédéric Escoffier

    Dans l’exemple de Lacan, « le chien fait miaou » il y a je crois un gain de plaisir. La subversion qu’apporte la torsion du sens par la manipulation signifiante, ici grammaticale, est consciente, renouvelable. L’enfant qui cherche la cocotte est-il dans ce jeu, ou au contraire dans une monosémie (j’ai vérifié le mot existe !) qui lui fait constater que ça ne colle pas et demander à voir ?
    Quel levier que le jeu de mot pour éveiller ou cultiver la curiosité !
    Dernièrement j’ai relevé de véritables perles poétiques d’un enfant du même âge : mots valises comme « vrouler » quand c’est un camion, on entend le vroumm du moteur! Il m’a parlé aussi des grands « chtarb » (les grands arbres) qui ont aussitôt fait vibrer mon imagination. Et j’ai adoré aussi celle-ci : « Tu sais, O, ça commence par oiseau »!
    De belles illustrations de ce que c’est que la « lalangue », mot créé par Lacan en référence à « lallation », la langue entendue et parlée par le petit d’homme, chargée des affects du soin, du nourrissage, du corps à corps avec la personne qui les lui prodigue.
    Les « mots d’enfants » cependant ne sont pas intentionnels, il n’y a pas encore le plaisir de la manipulation de la langue si utile, fondamentale même à l’apprentissage de l’écriture et de la lecture.
    Alors comment procèdent-t-ils à cette déchirure qui laisse apparaitre les ressorts signifiants sous la toile capitonnée du sens ? Spontanément ? Ou, comme au stade du miroir, est-ce que cela ne nécessite pas une intervention disons paternelle (je parle de la fonction, pas de la personne), qui ensemence et cultive le jeu de mot, et ne s’en tient pas qu’au rire lorsque le mot d’enfant surgit ?

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