Brève 34

La petite phrase dite dans l’embrasure de la porte.

Qui n’a pas remarqué ce qui se dit dans l’embrasure d’une porte, dans la vie quotidienne comme en orthophonie ?

La séance est terminée ou le bilan est fini. Mais, dans l’embrasure de la porte, quelque chose brutalement est dit :

« Ah, j’ai oublié de vous dire, cela n’a rien à voir mais… » et la personne d’évoquer un évènement familial, un drame familial, un traumatisme, un accident d’un membre de la famille, une maladie chronique de la maman, quelque chose qui a été omis, qui est resté caché pendant l’anamnèse ou l’entretien, malgré les questions posées, les échanges effectués.

C’est là, dans l’embrasure de la porte qu’une chose fondamentale est lâchée. Lâchée parce que c’est le dernier moment, parce que l’information a été omise, gardée pour soi car trop lourde, impossible à dire, mais finalement à la dernière minute déposée.

Se dire alors que cette information est très importante, et que, sans doute l’énoncer a été très difficile. La personne a pu la livrer à la dernière minute, un acte authentique. Noter exactement la phrase… et la prendre en compte à l’avenir.

Mais cette petite phrase n’est pas toujours déposée.

 Il m’a fallu trois ans pour comprendre …Natasha a des troubles qui s’apparentent à de la dyslexie, à de la dysorthographie, l’année suivante à de dyscalculie, mais surtout elle présente des troubles de l’attention. Jusqu’au jour où à brûle -pourpoint elle m’annonce que son oncle est rentré enfin à sa maison. Je suis interloquée : elle m’explique. Il avait frôlé la mort il y a trois ans suite à un accident de moto, a fait trois ans de centre de rééducation. La maman qui m’en parle ensuite, pleure, comme si l’accident avait eu lieu il y a peu. Elle n’en avait jamais parlé. Elle ne pensait pas que cela pouvait jouer sur les apprentissages de sa fille.

Dans l’embrasure de la porte, être attentive, retenir, mettre en liens, tout ce qui se dit, tout ce qui est confié, tout ce qui est déposé. C’est un lieu crucial.